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Dans court essai « On the Limits of Whistleblowing », Os Keyes invitait déjà à se débarrasser des fausses idoles : « l’idée même d’un héros atomisé, comme étant la condition suffisante au changement social est une idole. Si nous voulons un monde meilleur, un monde construit par nous tous, nous ne devons pas céder à cet imaginaire d’un seul individu capable de démanteler l’ancien. »
Quand bien même le traitement médiatique des lanceurs d’alerte serait complètement neutre ajoute-t-il, les lanceurs d’alerte ne suffiraient pas, car dire la vérité ne lève pas les obstacles : « dans cet environnement, l’alerte ne peut nous sauver car le problème n’est pas l’absence d’information, c’est l’absence de volonté. Et ce qui permet de construire la volonté et de faire bouger les normes ne ressemble pas à une figure isolée armée de la vérité, mais à des mouvements populaires de masse en faveur de la création de nouveaux standards. Des mouvements qui expliquent clairement aux entreprises que ne pas respecter ces standards leur coûtera cher ».
les aristocrates de la tech sont scrutés par la presse, leurs vies dépecées en autant de feuilletons biographiques qui de best-sellers en séries Netflix, consolident un « mythe de de l’entrepreneur » ancré dans un ordre politique « fondé sur le conservatisme méritocratique », pour paraphraser le chercheur Anthony Galluzzo[2].
Controverses
Troubles dans la « passion Elon Musk » à l’ère du « Make America great again »
janvier 9, 2025

Du « milliardaire excentrique » au conseiller ès coupes budgétaires du Président d’extrême droite Donald Trump réélu, la figure d’Elon Musk incarne les mutations d’un capitalisme en voie de brutalisation, de plus en plus indifférent aux principes démocratiques. Le colosse industriel – sa fortune est évaluée à 421,2 milliards de dollars en 2025 – divise et frustre, mais suscite aussi de formidables élans de passion dans une partie du monde politique et entrepreneurial qui adule le génie transformateur de ses onze entreprises[1], admire ses iconiques fusées récupérables et adhère, en partie au moins, à ses visions messianiques, terrestres ou martiennes. Cette admiration pour le personnage et ses prouesses interroge, alors qu’il vire manifestement de bord vers la promotion assumée d’un techno-fascisme à portée internationale. La « passion Elon Musk » déborde l’intérêt pour les percées technologiques et s’apparente de plus en plus à une fascination aveugle pour la puissance, insensible aux signaux d’alerte d’une dérive dangereuse où le génie industriel devient le prétexte d’une idéologie autoritaire.
Table des matières masquer
1 Patrons et gourous
2 De l’homme d’affaires à l’homme politique
3 Géopolitique de l’opportunisme
4 Elon Musk en voie de fascisation : qui aurait pu prédire ?
5 Épilogue. Persistance des « pièges à visions »
Patrons et gourous
Les figures pionnières, gourous et autres « évangélistes » de l’innovation sont consubstantiels au milieu technologique. S’ils se comptent sur les doigts d’une main en France, les États-Unis et maintenant la Chine en produisent par dizaines. De Jack Ma, volubile idole d’Alibaba déchue par le régime chinois à Steve Jobs (Apple), en passant par Mark Zuckerberg (Facebook puis Meta) – quasi présidentiable à ses heures de gloire – les aristocrates de la tech sont scrutés par la presse, leurs vies dépecées en autant de feuilletons biographiques qui de best-sellers en séries Netflix, consolident un « mythe de de l’entrepreneur » ancré dans un ordre politique « fondé sur le conservatisme méritocratique », pour paraphraser le chercheur Anthony Galluzzo[2]. Leurs méthodes sont converties en livres de management et autres cours délivrés en Business Schools qui ont successivement fait l’éloge de « La méthode Google », de « L’expérience Apple » et d’autant de variations sur le thème de l’optimisation capitaliste des processus de production, de vente et de distribution. Ces montages en épingles s’attachent le plus souvent à des personnalités extravagantes qui reflètent une vision techno-optimiste du progrès humain, elle-même appuyée sur un traitement sensationnaliste et « people » de l’actualité scientifique et technique.
Autre caractéristique de ce phénomène : ces figures sont instables et en proie à des dégringolades réputationnelles, souvent liées aux positions dominantes de leurs entreprises et aux scandales qui, accessoirement, en surgissent. Un grand patron comme Bill Gates a traversé de tels déboires alors que Microsoft devait répondre d’accusations d’abus de position dominante et, même retiré de ses fonctions au sein de l’entreprise, ses activités philanthropiques ne font toujours pas consensus). Mark Zuckerberg a fini par devenir l’emblème honni du capitalisme de surveillance, Jeff Bezos, l’héritier numériquement actualisé des barons voleurs en raison des conditions de travail dans les entrepôts Amazon. Quant à Google, l’entreprise a renoncé en 2018 à sa devise « Don’t be evil », signe d’une contraction dans l’espace-temps des utopies numériques.
La chute des uns conduisant à l’essor nécessairement disruptif de nouvelles figures : celle d’Elon Musk s’est unanimement imposée comme étendard de l’audace technologique étasunienne. Émigré sud-africain à 17 ans, serial-entrepreneur à succès, le désormais « multimilliardaire » et peut-être de son vivant, premier « trillionaire[3] », conjugue presque à lui seul l’hubris technophile de la Silicon Valley, le culte de la libre entreprise, la « pop culture » façon Marvel (notamment à travers Iron Man, qu’il aurait inspiré), le tout invariablement enrobé des mythes historiques américains qui, de la « Destinée manifeste » à la « Frontière », ressuscitent les velléités de conquête de nouveaux marchés, voire de nouvelles planètes. Elon Musk, ou « Elon » pour les intimes et Techies, est parvenu à réunir quantité de fans aux États-Unis, principalement des hommes, les « Musketeers », succinctement soutenus par une branche française qui dès 2018, s’organisait lors d’un premier « Paris Elon Musk Fan Club ». Deux biographies officielles plus tard (la première en 2015 par Ashlee Vence, la seconde en 2022 des mains de Walter Isaacson – auxquelles il faudrait ajouter quantité d’ouvrages plus ou moins complaisants retraçant son parcours), la chronique des activités muskiennes, de sa première startup Zip2 et sa fortune faite pendant le « boom » dotcom au géant Tesla, en passant par SpaceX, est entrée dans l’histoire.
De l’homme d’affaires à l’homme politique
Le Musk à proprement parler politique n’est pas directement visible au détour des années 2010, alors que le personnage s’impose progressivement comme un milliardaire qui pèse dans le milieu « Tech ». L’entrepreneur cultive même une image « modérée », se définissant comme au centre du jeu politique et préférablement du côté démocrate. L’administration Obama lui est plutôt favorable, par l’entremise notamment de Lori Garver, administratrice adjointe de la NASA et farouche défenseuse du recours au privé pour les affaires courantes. Elle contribue grandement au décollage de SpaceX à travers la mise en place du Commercial Crew Program (CCP) et l’ouverture au privé de nouveaux marchés publics au premier rang desquels le fret vers la Station spatiale internationale, un pari alors risqué.
Le mythe du self-made man : sans l'aide d'autrui personne ne devient quelqu'un !
En 2017, Elon Musk rejoint tout de même le conseil consultatif de Donald Trump, après avoir publiquement affirmé que ce dernier n’était pas « l’homme qu’il faut pour ce job ». Conseil qu’il quitte d’ailleurs quand Trump menace de sortir des Accords de Paris, rejoignant d’une certaine manière l’opposition.
Aucune cohérence.
2025 : annus horribilis ?
Allez le free speech des libertariens de la tech qui va permet de déverser encore davantage de désinformation.
Un free speech qui n'est pas censuré quand on est d'accord avec les propriétaires des réseaux sociaux, cela va sans dire.
2025 démarre mal pour le "vivre ensemble" : ça va trancher, chéri.e
Florilège :
[...] Mais les fact-checkers sont devenus trop biaisés politiquement, et ils ont détruit plus de confiance qu'ils n'en ont créée, particulièrement aux États-Unis », juge Mark Zuckerberg.
Le patron de Facebook indique enfin vouloir travailler avec Donald Trump et son administration en faveur de la liberté d'expression à l'échelle mondiale. Il cible très directement l'Europe, accusée de passer un nombre toujours plus important de lois « accroissant la censure » et portant préjudice aux démarches d'innovations.
Autre décision à grande portée symbolique : Mark Zuckerberg annonce que les équipes de la division « Confiance, support et modération de contenus » seront relocalisées hors de Californie, et que le service chargé de la supervision des contenus pour les États-Unis sera basé au Texas. « Alors que nous travaillons à promouvoir la liberté d'expression, je pense que réaliser ce travail dans des lieux où il y a moins de préoccupations quant aux biais de nos équipes va nous aider à construire la confiance », affirme-t-il face caméra. Il annonce par ailleurs que des sujets comme le genre ou l'immigration, thèmes polémiques par excellence, ne seront plus modérés a priori.
Meta et Mark Zuckerberg ont depuis le mois de novembre envoyé de nombreux signaux en direction du président réélu, en prévision de son retour à la Maison-Blanche. L'homme d'affaires, qui a versé 1 million de dollars pour l'investiture de Donald Trump, [...]
Portail de l'Académie de Paris, Le Guide de référence de l'utilisation des réseaux sociaux en classe, rédigé sur l'initiative du CLEMI Paris en collaboration avec la DANE, doit permettre aux enseignants d’utiliser les réseaux sociaux avec leurs élèves en classe de façon sécurisée et fiable, en toute sérénité.